Procès

« J’ai présumé que, parce que nous avions comparu plusieurs fois devant le tribunal, mes clients sauraient qu’ils ne devaient pas interrompre le procureur de la Couronne […] (Boulding, D. 2001).

« J’ai présumé que mes clients atteints du TSAF seraient en mesure de dire au juge ce qui s’était passé ». (Boulding, D. 2001).

Ce sont là deux exemples courants des effets possibles du TSAF sur le comportement d’une personne, sur son style de communication ou sur sa mémoire pendant une audience devant le tribunal.

Choses importantes à savoir au sujet des personnes qui sont atteintes du TSAF et qui s’apprêtent à subir leur procès ou à témoigner pendant un procès

Sur notre sous-page « Reconnaître le TSAF » [LINK TO THIS CONTENT], nous fournissons des renseignements détaillés au sujet de la façon de déceler les symptômes du TSAF, ce qui pourrait vous être utile dans le cadre de la préparation en vue du procès. Nous avons également préparé un document dans lequel nous présentons des conseils généraux à suivre pour travailler auprès des personnes atteintes du TSAF  [NOTE TO KRISTINA Note this regarding linking to separate “tips” document”].

Nous présentons ci-dessous quelques exemples courants de comportements et de lacunes que nous pouvons observer chez les personnes atteintes du TSAF pendant leur procès. Dans notre document « Conseils », nous présentons d’autres renseignements sur des stratégies permettant de mieux aider les personnes qui sont atteintes du TSAF et qui s’apprêtent à témoigner ou à subir leur procès.

Mémoire

Dans le cas d’une personne atteinte du TSAF, les souvenirs peuvent être éparpillés comme le sont les documents d’un classeur qui a basculé et dont le contenu a été renversé. La personne sait que les renseignements sont là, mais n’arrive pas à trouver le dossier dans lequel figurent les renseignements requis.

Ainsi, la personne atteinte du TSAF peut avoir davantage tendance à :

  • ne pas se rappeler ce qui a été dit dix secondes plus tôt ou moins en raison de problèmes de mémoire à court terme
  • oublier quelque chose le jour même, mais s’en souvenir le lendemain
  • présenter des événements dans le mauvais ordre
  • fabuler en se fondant sur sa mémoire altérée ou sur son souhait de plaire
  • répondre à des questions en utilisant l’« information » donnée dans les questions
  • être incapable de répondre à des questions abstraites, ou non posées en termes simples
  • être incapable de suivre les procédures, et en éprouver un sentiment de frustration.

 

Choses à faire :

  • Posez des questions très simples, et donnez à la personne le temps d’y répondre
  • Prévoyez plus de temps pour les rendez-vous afin de vous assurer que vous avez davantage de temps pour donner des explications si un récit semble « peu vraisemblable » ou comporte des éléments contradictoires, afin de pouvoir élucider le tout avec la personne
  • Si le client connaît une personne fiable en laquelle il a confiance, invitez cette personne à prendre des notes et à aider le client à comprendre et à se rappeler plus tard

Choses à éviter :

  • Évitez de submerger votre client de renseignements
  • Évitez de présumer que votre client ment alors qu’il fabule peut-être tout simplement
  • Évitez d’utiliser du jargon juridique complexe

Transition entre différents environnements

Il se peut que la personne atteinte du TSAF ait beaucoup de mal à passer d’une situation ou d’un environnement à l’autre, parce que son cerveau ne traite pas rapidement l’information. Ainsi, s’il est incarcéré, l’accusé aura peut-être du mal à passer de la cellule de prison au véhicule de transport, à la cellule de détention du tribunal, puis à la salle d’audience. Il peut devenir agité ou « perdu » lorsque vient pour lui le moment de témoigner et il ne sera peut-être pas en mesure de comprendre ce qui se passe pendant l’audience.

Choses à faire :

  • Tentez d’obtenir un délai supplémentaire pour permettre à votre client de se calmer au besoin
  • Tentez de vous assurer que votre client a pu manger
  • Informez les gardiens du risque en question, afin qu’ils puissent se comporter de manière appropriée avec votre client.

Concept du temps

Les personnes atteintes du TSAF ont parfois du mal à comprendre le concept du temps, de sorte qu’elles sont moins en mesure de décrire les événements passés, de se présenter aux rendez-vous et de planifier efficacement la suite des choses. Il est important de vous rappeler qu’il n’y a aucune solution qui fonctionnera à coup sûr pour chacune des personnes atteintes du TSAF; il faut plutôt tenter de trouver ce qui fonctionnera pour la personne concernée.

Choses à faire :

  • Tentez de présenter concrètement les blocs de temps importants afin de les rendre plus visuels
  • Utilisez un système de codes de couleurs afin d’aider le client à se rappeler les dates importantes (rendez-vous juridiques, dates d’audience)
  • Trouvez des façons de rappeler au client les dates d’audience
  • Veillez à ce qu’une personne accompagne le client aux rendez-vous ou aux audiences
  • Tentez dans tous les cas de trouver un membre de la famille ou un ami fiable qui peut agir comme « deuxième cerveau » pour le client

Choses à éviter

  • Évitez de présumer que le client se présentera à l’audience ou aux rendez-vous sans lui rappeler l’événement en question très peu de temps avant la date prévue.

Traitement de l’information et langage

Les personnes atteintes du TSAF sont souvent conscientes de leurs lacunes et mettent au point des stratégies pour les dissimuler; voici quelques exemples de ces lacunes :

  • tendance à bavarder
  • déclarations tangentielles
  • emploi de mots compliqués, souvent mal utilisés

Il se peut que l’accusé atteint du TSAF :

  • interprète mal des renseignements visuels
  • soit capable de lire des documents judiciaires, mais ne puisse en comprendre le contenu (mais il vous dira qu’il comprend afin de ne pas « paraître stupide »)
  • ne saisisse qu’un mot sur trois ou quatre qui sont prononcés devant le tribunal
  • interprète mal les gestes non verbaux des avocats ou des juges
  • dise au juge qu’il comprend ce qu’il vient de dire, même si ce n’est pas le cas
  • soit dirigé et manipulé facilement pendant l’interrogatoire
  • fournisse des renseignements qui sont sans rapport avec le sujet ou les circonstances, ou qui sont source de confusion

Choses à faire :

  • Soyez clair et direct lorsque vous posez des questions à votre client, et demandez à l’avocat de la partie adverse ou au juge d’adopter le même comportement
  • Demandez au tribunal de prendre des mesures d’adaptation relativement au handicap de votre client en accordant plus de temps pour le déroulement de l’audience

Choses à éviter :

·       Distractions dans la salle d’audience. Les salles d’audience sont pleines de distractions. N’en n’ajoutez pas davantage et tentez d’empêcher d’autres de le faire.

Comportement dans la salle d’audience

Dans la salle d’audience, il est possible qu’un témoin, une victime ou un accusé atteint du TSAF :

  • ne soit pas capable de respecter les conventions et le caractère solennel de la salle d’audience
  • ne comprenne pas la gravité de sa situation
  • agisse de manière inappropriée ou impulsive ou sans inhibition
  • soit exagérément amical ou agressif, ou replié sur lui-même
  • semble n’avoir aucun remords ni aucune considération à l’égard des autres personnes mêlées à l’affaire.

Les personnes qui ont des troubles de traitement sensoriel réagissent habituellement de deux façons : soit elles se replient sur elles-mêmes, soit elles extériorisent leurs sentiments. Lorsque cette personne se replie sur elle-même, il est possible qu’elle se borne à répondre : « je suis trop stupide » ou « je ne sais pas ». À l’inverse, elle peut aussi se mettre dans une grande colère.

Choses à faire :

  • Répétez au client de porter son attention uniquement sur vous
  • Exercez-vous avec le client dans un endroit neutre et propice au calme
  • Sachez que le juge qui instruira l’affaire évaluera l’expression faciale du client; ainsi, le client peut sembler suffisant, mais en réalité, il est peut-être simplement effrayé.

Choses à éviter :

  • Évitez si possible de permettre à l’avocat de la partie adverse de prendre le client à partie.

Obtention des renseignements pertinents

Les problèmes cognitifs et les problèmes de mémoire peuvent empêcher une personne atteinte du TSAF de présenter une version claire et cohérente des faits. Il est possible qu’elle raconte plutôt son récit en tournant en rond.

« L’agente a dit que l’accusé lui a dit que […] [la victime] […] a dit qu’elle était stupide c.-à-d. que l’accusé était stupide. Il n’a pas aimé ça, alors il a frappé [la victime] et [la victime] l’a frappé aussi. L’agente n’a jamais pu déterminer dans quel ordre les coups avaient été portés. L’exposé narratif, a-t-elle dit, allait dans tous les sens ». […]

« L’accusé s’est exprimé de manière décousue, souvent sans répondre à la question. En voici un exemple : Réponse : [La victime] m’a frappé aussi. Question : Quand? Réponse : hum, la même nuit que mon couvre-feu […] la petite aiguille à dix et l’autre à six. Et ensuite, je suis rentré à la maison et il m’a frappé ».

Soyez patient et écoutez attentivement, afin d’être davantage en mesure de déterminer les faits importants. Souvenez-vous aussi que les personnes atteintes du TSAF ont besoin d’associer des expériences à des activités concrètes.  

Choses à faire :

  • Prévoyez plus de temps pour un procès mettant en cause une personne atteinte du TSAF;
  • Tenez compte des différences culturelles touchant le comportement;
  • Exprimez-vous lentement;
  • Utilisez des déclarations et des questions courtes et précises;
  • Scindez les renseignements en petites parties (ceux que vous présentez à la personne et les réponses que vous vous attendez à recevoir)
  • Confirmez toujours que ce que la personne a entendu est bien ce que vous avez dit;
  • Au besoin, posez une question de plusieurs façons différentes
  • Donnez à la personne plus de temps pour répondre aux questions et aux tâches;
  • Lisez tous les documents à voix haute, à l’intention de ceux qui en ont besoin;
  • Prononcez souvent le nom de la personne, surtout avant de poser une question;
  • Utilisez le plus possible des éléments « visuels » (schémas simples, style abrégé, tableaux, images);
  • Soyez proche, mais pas trop, de la personne;
  • Essayez de demander à la personne de simuler ce qui s’est passé;
  • Vérifiez si la personne a compris en lui posant des questions sur le contenu d’une déclaration ou d’une question, plutôt que de lui demander si elle a compris.
  • Lorsqu’une activité est sur le point de changer, donnez des indices verbaux (avertissement de cinq minutes (ou trois minutes), indiquez que quelque chose de différent est sur le point de se passer […] « Dans trois minutes, le tribunal va faire une pause, […]. Quand la grande aiguille de l’horloge sera sur le chiffre 12, le tribunal va arrêter ses travaux pour la journée ».
  • Demandez à une personne présente de prendre des notes et de consigner des renseignements à l’intention de l’accusé. 

Si vous voulez vous entretenir avec une personne atteinte du TSAF dans le cadre d’une audioconférence ou d’une vidéoconférence, faites-en l’essai. Si cela est impossible, tâchez de réduire le plus possible les distractions en utilisant une pièce distincte et tranquille.

Choses à éviter :

  • Évitez les sous-entendus
  • Évitez de poser des questions à plusieurs volets
  • Évitez de poser des questions qui contiennent des termes complexes
  • Évitez d’utiliser des pronoms – prononcez le nom de la personne à laquelle vous faites référence
  • Évitez de faire des suppositions au sujet de la capacité de l’accusé de comprendre et de répondre correctement
  • Évitez les doubles négations comme « N’avez-vous pas vu […]? »

Mens Rea /Actus Reus – début du procès

Dans toutes les affaires criminelles, la Couronne doit prouver deux éléments pour pouvoir obtenir une déclaration de culpabilité :

  • l’accusé a bel et bien commis l’infraction (actus reus),
  • l’accusé avait la mens rea (« intention coupable ») requise

L’actus reus nécessite une preuve du fait que l’accusé a effectivement commis l’acte illégal. Pour sa part, le concept juridique de la mens rea exige qu’il soit prouvé que l’accusé avait l’intention de commettre un geste qu’il savait être interdit. L’intention en question peut être une intention générale ou spécifique, une insouciance ou un aveuglement volontaire à l’égard des conséquences des gestes que l’on pose.

Il est important que, dans les affaires mettant en cause une personne atteinte du TSAF, la mens rea soit examinée dans le contexte des difficultés et des lacunes avec lesquelles cette personne doit composer sur les plans cognitif et comportemental.

Ces personnes ont souvent un mode de pensée très concret et sont incapables de tirer des leçons de leurs erreurs passées.  « Habituellement, ces personnes ne font pas de lien entre la cause et l’effet, n’anticipent pas les conséquences et ne se mettent pas à la place d’une autre personne ». (Moore, T. E., et M. Green, 2004). Même lorsque l’accusé a un QI normal, il est possible qu’il souffre de divers problèmes :  « mémoire défaillante, lenteur à acquérir de nouvelles habiletés, incapacité de tirer des leçons d’expériences antérieures et difficulté à reconnaître les conséquences de ses gestes […] (Buxton, B. 2004).

« Quiconque témoigne devant un tribunal, quel que soit son âge, est une personne dont il faut évaluer la crédibilité et le témoignage selon les critères pertinents compte tenu de son développement mental, de sa compréhension et de sa facilité de communiquer. »