Les pratiques policières et l’ETCAF – cinq principes de base de départ

1) L’âge chronologique et l’âge développemental peuvent ne pas correspondre

Qu’est-ce que cela signifie dans un contexte policier? Une personne de 21 ans peut présenter une déficience cérébrale signifiant qu’elle fonctionne selon l’âge cognitif d’un jeune de huit ou dix ans. Cela peut avoir des conséquences sur les interrogatoires, la compréhension des instructions et la conformité. 

Quels sont les résultats pratiques pouvant en découler? Une personne peut se présenter à vous ou à d’autres personnes comme un adulte rationnel tout en expérimentant et en interprétant le monde selon l’âge fonctionnel d’un enfant. Elle peut ainsi être sanctionnée pour des actes sans qu’elle en comprenne la raison. Ce manque de compréhension que certains de ses actes peuvent être punis peut perdurer. Cela signifie que, dans certains cas, les sanctions peuvent ne pas avoir d’effet dissuasif sur de futures activités non souhaitables.

Stratégie de modification des pratiques :

  • Évaluez l’âge développemental de la personne et, lors d’un interrogatoire, commencez à adapter vos questions pour qu’elles correspondent à sa capacité. Vous pourrez ainsi obtenir des interrogatoires plus fiables et de meilleure qualité.
  • Ce qui peut, à première vue, sembler être un défaut de conformité peut en fait être un manque de compréhension de ce que l’on demande. Dans cette optique, modifiez les instructions et testez la compréhension de la personne en lui demandant de répéter ce que vous lui demandez de faire ou de l’expliquer dans ses propres mots.

Scénario : Lors d’une vérification relative à un couvre‑feu, l’agent trouve le sujet dans la rue en violation de ses conditions. Lorsqu’il est interrogé, le sujet ne semble pas comprendre le problème et se comporte comme un enfant. L’agent se frustre, rédige un rapport sur la violation et met le sujet sous garde. Modification : Demandez au sujet d’expliquer les « règles » qui s’appliquent à lui en ce qui concerne les sorties la nuit. Demandez‑lui s’il peut expliquer ses « conditions ». En cas de malentendu manifeste, expliquez‑lui les règles dans un langage simple et clair. Envisagez un suivi avec l’agent de probation pour explorer la possibilité d’évaluer et de revoir les conditions afin d’éviter des frais administratifs inutiles dus à un manque de compréhension.

Vitesse de traitement

Que cela signifie‑t‑il dans un contexte policier? Un témoin, un délinquant et/ou une victime peuvent éprouver de la difficulté à se souvenir de renseignements et à les traiter. Cela peut avoir des répercussions sur les interrogatoires, car ils peuvent ne pas être en mesure de se souvenir des renseignements de la manière dont vous vous y attendez. En gardant cela à l’esprit, réfléchissez à la manière dont vous demandez l’information et soyez patient pendant qu’ils traitent cette demande.

Quels sont les résultats pratiques pouvant en découler? Une personne peut sembler ignorer les instructions ou ne pas s’y conformer, ce qui peut entraîner une escalade de la force pour qu’elle s’y conforme. En fait, il se peut qu’elle tente de se conformer, mais qu’elle traite les instructions beaucoup plus lentement que prévu.

Quelques conseils pour modifier les pratiques :

  • Parlez en phrases courtes et précises.
  • Si une activité doit être effectuée, ne supposez pas qu’elle est implicitement comprise. Décrivez chaque étape. Testez la compréhension de la personne en cause.

Scénario : Les policiers sont envoyés dans une résidence où il pourrait y avoir une altercation. Ils arrivent sur les lieux et trouvent sur la pelouse un jeune criant après les résidents qui sont à la porte. L’adolescent semble très contrarié. Les policiers lui demandent de se calmer. L’adolescent semble ignorer leurs instructions et court vers les résidents. Les policiers lui ordonnent de s’arrêter. Plusieurs d’entre eux crient en même temps qu’il doit s’arrêter ou qu’il fera l’objet d’une arrestation. L’adolescent semble ignorer cette instruction, et les policiers procèdent à une arrestation afin de maintenir l’ordre. Lors de l’arrestation, un des policiers donne au sujet l’ordre de mettre les mains derrière son dos. Une fois de plus, celui-ci n’obéit pas immédiatement et semble ignorer le policier. Ce dernier intensifie l’usage de la force pour que l’adolescent se conforme à l’instruction. Modification : Ralentissez la formulation des instructions. Parler une personne à la fois. Donnez un seul ordre clair. Demandez au sujet s’il comprend ce qu’on lui demande.

Traitement sensoriel

Que cela signifie‑t‑il dans un contexte policier? Les personnes atteintes de l’ETCAF peuvent être faire face à un large éventail de défis liés à leurs schémas de traitement sensoriel. Plus précisément, elles peuvent être hyposensibles (faible réponse à une stimulation) ou hypersensibles (forte réponse à une stimulation). Une personne atteinte de l’ETCAF peut être très distraite si l’espace dans lequel vous travaillez lui est difficile. Sa sensibilité ne peut être surmontée; elle peut persister et souvent entraîner une expérience débilitante pour elle dans certains espaces. 

Quels sont les résultats pratiques pouvant en découler? Une personne constamment distraite ou accablée par son environnement éprouvera des difficultés à répondre aux questions et à fournir des détails. Cela peut avoir une incidence sur le processus d’interrogatoire et avoir un effet important sur le résultat d’une enquête.

Quelques conseils pour modifier les pratiques :

  • Essayez d’éliminer les distractions. Si vous vous trouvez dans une rue bruyante, essayez de vous rendre dans un endroit plus calme. Si les lumières d’une pièce sont fluorescentes, cela peut être très difficile pour certaines personnes : envisagez de les tamiser ou de trouver une autre source de lumière. Si l’espace dans lequel vous travaillez dégage de fortes odeurs, envisagez de changer d’endroit.
  • Une personne hyposensible peut également avoir une très grande tolérance à la douleur. Si elle semble blessée mais indique qu’elle ne l’est pas, proposez‑lui de l’aide. Son expérience de la douleur peut ne pas représenter une bonne mesure de l’étendue de ses blessures, qui peuvent être plus importantes qu’elle ne le croit.

Scénario : Le sujet est arrêté en tant que témoin d’une agression. Une fois dans la salle d’interrogatoire, il semble être distrait et ne se concentre pas sur les questions posées. L’agent se frustre et demande l’aide d’un collègue, mais ils obtiennent les mêmes résultats. Le témoin devient de plus en plus agité et veut quitter la salle d’interrogatoire. Les policiers envisagent d’écarter le témoin pour cause de non-fiabilité. Modification : Examinez la pièce dans laquelle vous vous trouvez – est‑elle calme, pouvez‑vous détecter des bruits ou des odeurs difficiles à supporter pour une personne éprouvant des difficultés de traitement sensoriel? Si vous le pouvez, modifiez la pièce ou rendez‑vous dans une pièce sans éclairage fluorescent. Essayez de mener l’interrogatoire dans un endroit aussi calme que possible. Demandez à la personne s’il est convient de procéder à l’interrogatoire dans la pièce où vous vous trouvez; elle pourrait indiquer un problème que vous ne pouvez pas détecter.

Confabulation

Que cela signifie‑t‑il dans un contexte policier? La confabulation est le mélange de faits et de non‑faits. C’est l’un des effets des troubles cognitifs associés à l’ETCAF, lequel peut conduire une personne à mélanger des choses qu’elle a entendues ou vues à la télévision ou au cinéma avec des éléments qu’elle a elle‑même vécus. Il ne faut pas confondre cet effet avec le « mensonge », car, dans de nombreux cas, les renseignements que l’individu communique sont devenus pour lui des faits. Dans cette optique, considérez que les calendriers qui ne correspondent pas toujours et/ou les récits qui semblent être en partie « vrais » et en partie « faux » peuvent contenir des éléments de vérité. Il peut parfois être difficile de les distinguer. Ne supposez pas que l’individu en question a l’intention de vous tromper.

Quelques conseils pour modifier les pratiques :

  • Examinez les types de questions que vous posez afin de déterminer dans quelle mesure elles sont suggestives; fournissez‑vous en réalité des faits faisant partie d’un récit que vous créez?
  • Prenez conscience du fait que le récit de votre témoin pourrait être sujet à des changements et à des influences auxquels vous ne vous attendez pas. Envisagez d’élargir la collecte de preuves matérielles corroborantes ou de recourir à des témoins supplémentaires pour valider les parties du récit qui sont nécessaires.

Quels sont les résultats pratiques pouvant en découler? Les personnes ayant du mal à garder une histoire ou un récit intact peuvent faire des déclarations qui semblent inexactes aux policiers, à la Couronne ou aux tribunaux. Cela peut entraîner :

  • des malentendus;
  • une incidence profonde sur les affaires;
  • des accusations pour avoir fait de fausses déclarations ou de faux rapports alors qu’en fait, il n’y avait aucune intention de le faire.

Scénario : Une victime fait une allégation d’agression sexuelle. Les notes initiales de l’enquêteur exposent un récit clair et concis. Au fur et à mesure que les enquêteurs poursuivent leur enquête, de petites parties du récit semblent se modifier ou changer complètement. Les enquêteurs commencent à s’interroger sur le récit de la victime et se demandent s’il s’agit d’une fausse allégation, car certaines parties du récit commencent à ressembler à l’intrigue d’un film populaire. Modification : Il n’est pas rare qu’une personne atteinte de l’ETCAF confonde sa propre expérience avec des événements qu’elle a vus, mais qu’elle n’a pas vécus elle‑même. Reconnaître qu’une personne est atteinte de l’ETCAF peut aider les enquêteurs et les travailleurs du secteur de la justice à mieux préparer cette dernière au procès, à s’en tenir aux faits de l’affaire et à pouvoir mettre en évidence d’autres éléments non pertinents au regard de l’affaire.

Fonctions d’exécution

Que cela signifie‑t‑il dans un contexte policier? Les personnes atteintes de l’ETCAF peuvent faire face à des problèmes de gestion du temps, de planification et de compétences associées. En pratique, cela peut signifier qu’elles ne sont pas en mesure de se rappeler les règles ou les instructions qui leur ont été données auparavant. Elles peuvent avoir du mal à se souvenir de dates ou de rendez-vous importants. Il peut également leur être difficile d’établir un autre plan si le plan initial ne peut pas être exécuté comme prévu.

Quels sont les résultats pratiques susceptibles d’en découler? Ces défis relatifs aux fonctions d’exécution peuvent avoir un effet très important sur les résultats dans le système de justice pénale, car les personnes ayant des besoins complexes ont du mal à remplir et à maintenir les conditions imposées. L’obligation de se présenter à l’agent de probation ou de respecter un couvre‑feu peut être facilement enfreinte sans intention ou compréhension.

Quelques conseils pour modifier les pratiques :

  • Répétez les instructions et énoncez‑les dans un langage clair et compréhensible, en reconnaissant que le fait de ne pas se rappeler une règle ou une instruction est probablement symptomatique d’un handicap plutôt que d’un mépris délibéré.
  • Essayez de mettre en place un mécanisme de rappel des dates ou des rendez-vous importants afin d’aider la personne à s’en souvenir.

Scénario : Un témoin dans une affaire très médiatisée semble être de moins en moins fiable à mesure que la date du procès approche. La Couronne fait appel à des enquêteurs pour travailler en étroite collaboration avec lui dans le cadre de la préparation de son témoignage. Cependant, le témoin continue de manquer des rendez‑vous, et on craint qu’il ne se présente pas le jour du procès. La Couronne est prête à délivrer un mandat. Modification : Le témoin peut éprouver de la difficulté à se souvenir des rendez‑vous prévus en vue de se préparer à l’audience, et ne pas se souvenir de la date et de l’heure de celle‑ci. Collaborez avec la Couronne pour qu’une personne envoie régulièrement des rappels et, si nécessaire, passe prendre le témoin le jour du procès. Essayez d’utiliser une série de stratégies de rappel, y compris des messages écrits et électroniques.