Notre système de justice est fondé sur la prémisse selon laquelle les défendeurs comprennent la relation qu’il y a entre les actes et les issues, entre les intentions et les conséquences, et que les personnes qui font des choix sont responsables des retombées. Les déficiences cognitives dont souffrent les personnes atteintes de l’ETCAF remettent en question ces prémisses fondamentales » (Green, M., 2006).
Par exemple, les personnes atteintes de l’ETCAF ont peut-être la capacité fondamentale de fonctionner, mais peuvent être victimes de pertes de mémoire, d’impulsivité et de suggestibilité. Ces personnes sont habituellement très concrètes dans leur réflexion et incapables de tirer des leçons de leurs erreurs antérieures. « Habituellement, ces personnes ne font pas de lien entre la cause et l’effet, n’anticipent pas les connaissances ou ne se mettent pas à la place d’une autre personne » (Moore, T.E. et Green, M., 2004).
L’ETCAF est aussi une déficience en grande partie invisible, sans marqueurs physiques évidents. Pourtant, la connaissance des déficits cognitifs de l’ETCAF et le fait que ces derniers sont attribuables à des lésions cérébrales permanentes sont particulièrement importants si l’on veut représenter et juger convenablement les personnes atteintes de l’ETCAF. Les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les juges et tous les travailleurs en milieu carcéral devraient avoir des connaissances de base sur l’ETCAF.
Comme l’a fait remarquer le juge Melvyn Green, de la Cour de justice de l’Ontario : « les juges ne savent (ou ne sont autorisés à savoir) que ce que les avocats, par les preuves et les observations qu’ils formulent, sont disposés à leur dire. » (Green, M., 2006). Il est particulièrement important que les avocats puissent reconnaître les signes de l’ETCAF. Les circonstances entourant l’arrestation d’un accusé peuvent donner des indices importants. Par exemple, lors de son arrestation, une personne atteinte de l’ETCAF peut :
- agir de façon inappropriée quand on la touche, à cause de problèmes d’intégration sensorielle;
- devenir agressive à cause d’une surcharge sensorielle due au bruit, aux feux clignotants et à l’activité qui se déroule sur les lieux, ou à cause de l’incapacité d’interpréter les gestes non verbaux;
- répondre de façon inappropriée aux questions qui lui sont posées parce qu’elle a de la difficulté à traiter le langage;
- être incapable de structurer ses pensées, de traiter des informations ou de comprendre le langage écrit.
Chacune de ces réactions pourrait mener à une escalade des événements, ainsi qu’à d’autres accusations. Le fait de reconnaître qu’il s’agit de signes d’un éventuel ETCAF permet aux avocats de la défense de traiter de l’accusation qui a mené à l’arrestation initiale, ainsi que de toute accusation additionnelle. Les lésions cérébrales dues à l’ETCAF peuvent porter atteinte à la capacité qu’a la personne de maîtriser son comportement, de comprendre le processus judiciaire ou de donner des directives à un avocat. Si vous croyez qu’une personne que vous interrogez souffre peut-être de l’ETCAF :
- posez des questions brèves afin d’éviter de demander trop de détails à la fois. Une personne atteinte de l’ETCAF peut avoir de la difficulté à traiter mentalement les questions compliquées et verbeuses et à y répondre;
- écouter attentivement les réponses de la personne. Si cette dernière ne répond pas à vos questions, tachez de les reformuler différemment;
- soyez patient.
Si vous représentez une personne que vous soupçonnez être atteinte de l’ETCAF, songez aux questions relatives à la détermination de la peine, aux conditions de mise en liberté, à l’aptitude à subir un procès, à la responsabilité criminelle et à la suggestibilité des témoins, de même qu’à d’autres obstacles possibles à une représentation et à un traitement appropriés, en vertu de la loi.
Pour aider à faire face à ce problème, les juges peuvent poser aux procureurs et aux professionnels une question toute simple : « Avez-vous songé à l’ETCAF? ». Cette simple question peut inciter les procureurs et les professionnels à se renseigner sur ce qu’est l’ETCAF, ainsi qu’à songer aux conséquences de cet état, de même qu’aux interventions possibles (Malbin, D.V., 2004).